L’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le 29 janvier 2024, une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. Le texte a été transmis au Sénat pour une première lecture à venir. A l’ordre du jour : nouveau chambardement des conditions d’éligibilité au régime micro-BIC, performances énergétiques des logements et modification du calcul de la plus-value lors de la vente d’un meublé de tourisme !
Attention l'ensemble des éléments de cette proposition de loi ne sont pas en vigueur, la proposition a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et doit maintenant être étudiée par le Senat.
1.Ce qu’il faut retenir
Suite à « l’erreur matérielle » commise par le gouvernement lors de l’adoption de la loi de finances pour 2024, la fiscalité des logements meublés touristiques reste incertaine. Une nouvelle proposition de loi est étudiée par le Parlement pour lutter contre les déséquilibres du marché locatif, et donc freiner le développement de la location meublée touristique :
Nouveaux seuils et abattements applicables en matière de location meublée de logements classés et non classés, prévoyant un alignement avec les règles du microfoncier sauf exceptions ;
Obligation pour tous les biens loués meublés – même saisonniers - de remise d’un DPE (Diagnostic de Performance Energétique) et d’un logement « décent » en termes de performances énergétiques, excepté pour les biens constituant la résidence principale du propriétaire ;
Diminution de la durée maximale durant laquelle la résidence principale du bailleur peut être mise en location saisonnière ;
Reprise des amortissements comptables lors du calcul de la plus-value en cas de vente d’un logement meublé de tourisme.
2. Conséquences pratiques
2.1. Modification des seuils et abattements applicables en matière de location meublée touristique (article 3 de la proposition de loi)
Pour les propriétaires de logements locatifs meublés saisonniers, la fiscalité des loyers encaissés serait la suivante :
* par dérogation, ce seuil serait revalorisé pour la première fois en 2026 Pour bénéficier de l’abattement de 71%, le bailleur doit remplir 4 conditions cumulatives :
le logement doit être classé ;
le logement doit être situé dans une zone « très peu dense » ou dans une station de sports d’hiver et d’alpinisme ;
les revenus annuels TTC issus de la location saisonnière ne doivent pas excéder 30 000 € ;
les revenus annuels TTC issus de la location meublée, tous types de location meublée confondus (usage de résidence principale, usage saisonnier), ne doivent pas excéder 50 000 € au titre de l’année N-1.
A priori, il n’y aurait pas de modification pour les loyers provenant de location meublée à titre de résidence principale, ni pour la location de chambre d’hôtes.
2.2. Calcul de la plus-value immobilière et réintégration des amortissements (article 4 de la proposition de loi)
La proposition de loi cible également les plus-values immobilières réalisées à l’occasion de l’apport ou de la vente d’un bien meublé de tourisme qu’il soit classé ou non (CGI art. 151 septies). La plus-value brute serait calculée en tenant compte des amortissements déduits puis déterminée selon les règles « classiques » des plus-values immobilières. Calcul de la plus-value immobilière imposable :
Etape 1 : détermination du prix d’acquisition, majoré des frais d’acquisition et des travaux éventuels ;
Etape 2 : détermination du prix de cession, minoré des charges et indemnités prises en charge par le vendeur ;
Etape 3 : réincorporation des amortissements déduits depuis l’acquisition du bien (et non depuis sa mise en location) sur la plus-value déterminée ;
Etape 4 : détermination de la plus-value nette par application des abattements pour durée de détention.
Cette nouvelle rédaction vient augmenter l’assiette taxable et donc la fiscalité due lors de la vente d’un bien meublé loué en saisonnier. En revanche, si le bien est détenu depuis plus de 30 ans, il demeure exonéré au titre des prélèvements sociaux et au titre de l’impôt sur le revenu.
2.3. Nouvelles obligations et restrictions juridiques de la location saisonnière
2.3.1. Pour les bailleurs qui mettent en location leur résidence principale (article 1 bis de la proposition de loi)
La mise en location de la résidence principale ne requiert pas d’autorisation de changement d’usage si la durée de la location n’excède pas 120 jours par an. Dans les communes ayant instauré un enregistrement, la mise en location saisonnière plus de 120 jours par an est interdite et passible d’une amende de 10 000 €. La proposition de loi permet aux communes, dans lesquelles un enregistrement est nécessaire, de réduire le nombre maximal de jours durant lesquels la résidence principale peut être louée en saisonnier. Les communes qui le souhaitent pourraient dès lors interdire la location de la résidence principale en saisonnier au-delà de 90 jours (et non plus 120 jours) par an. Le contribuable qui contournerait cette restriction par le biais de l’établissement de fausses déclarations lors de sa demande d’enregistrement s’exposerait à une amende de 15 000 €.
2.3.2. Pour les bailleurs qui mettent en location leur résidence secondaire ou un bien locatif en France métropolitaine (article 1 de la proposition de loi)
2.3.2.1. Demande de changement d’usage du bien
Selon la localisation du bien, les bailleurs qui souhaitent mettre en location saisonnière un bien autre que leur résidence principale doivent au préalable demander une autorisation de changement d’usage de leur bien. Les biens visés sont ceux situés dans une commune de plus de 200 000 habitants, dans une commune des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ou dans une commune dans laquelle l’autorité administrative compétente a rendu applicable cette obligation de demande de changement d’usage. La proposition de loi prévoit de soumettre la délivrance de cette autorisation de changement d’usage (et intrinsèquement la mise en location saisonnière du bien) à la remise par le propriétaire du bien d’un DPE. L’autorisation de changement d’usage sera conditionnée à une performance énergétique du bien comprise entre A et D. Cette nécessité de classement énergétique afin d’obtenir l’autorisation de changer l’usage du bien s’appliquerait a priori dès la promulgation de la loi. Une tolérance est toutefois prévue pour les logements qui, à la date de publication de la loi, sont déjà loués en location saisonnière et ont déjà fait l’objet de toutes les démarches nécessaires. Dans ce cas de figure, les bailleurs disposeront d’un délai de 5 ans à compter de la promulgation de la présente loi pour se conformer à ces nouvelles obligations.
2.3.2.2. Demande d’autorisation temporaire de changement d’usage
Dans les communes ayant mis en place un régime d’autorisation temporaire de mise en location saisonnière du bien, les biens mis à la location de tourisme devront suivre le même calendrier de performances énergétiques que les locations à usage de résidence principale, à savoir :
à compter du 1er janvier 2025 : interdiction de mise en location des logements classés G ;
à compter du 1er janvier 2028 : interdiction de mise en location des logements classés G et F ;
à compter du 1er janvier 2034 : interdiction de mise en location des logements classées G, F et E.
La proposition de loi instaure également la possibilité pour le conseil municipal de prévoir, pour des zones géographiques déterminées, un nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées (étant précisé qu’il ne sera pas possible de contourner la demande d’autorisation temporaire par une demande de changement d’usage sauf en cas de compensation).
2.3.3. Logements situés dans une zone couverte par un PLU ou en Corse dans une commune dont le taux de résidences secondaires excède 20 % (article 2 de la proposition de loi)
La proposition de loi prévoit la possibilité de fixer dans les règlements des plans locaux d’urbanisme (PLU) une délimitation géographique, sous conditions, de zones urbaines ou à urbaniser dans lesquelles les constructions nouvelles de logement seront obligatoirement affectées à un usage de résidence principale.
Il sera dès lors formellement interdit de réaliser de la location saisonnière dans ces logements tant que le secteur géographique sera visé par le règlement. Le non-respect de cette affectation dans le cadre d’un bail loué à titre de résidence principal (loi 1989) entraînerait la résiliation du bail.
La même possibilité de délimitation d’un secteur géographique affecté exclusivement à de la location à usage de résidence principale est offerte aux communes qui ne sont pas couvertes par un PLU mais qui présente un taux de résidences secondaires par rapport au parc immobilier à usage d’habitation supérieur à 20 %. Cette délimitation pourra être prévue par le plan d’aménagement et de développement durable de Corse.
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